Vingt milliards de m3 de grisou sous nos pieds
Albert Frère veut exploiter une ressource insoupçonnée du sous-sol wallon : le grisou. On estime sa présence à 20 milliards de mètres cubes.
- Publié le 14-03-2013 à 08h21
Le milliardaire carolo Albert Frère relance son projet d’exploitation du gaz présent dans les mines wallonnes. Des consultants mandatés par Transcor Astra, une filiale du holding CPN d’Albert Frère, ont rencontré des fonctionnaires wallons afin de relancer la procédure administrative et la demander pour deux permis.
Le premier concerne l’exploitation d’hydrocarbures dans la région du sud de Charleroi sur une zone de 443 kilomètres carrés et étudie le potentiel pour la récupération du méthane dans les couches vierges d’exploitation minière.
L’autre demande de permis concerne l’exploitation des anciens réservoirs de Fluxys à Péronnes et Anderlues. La première estimation de production misait sur 10 millions de mètres cubes sur le site d’Anderlues qui concentrera la plus grosse partie de l’attention de la société.
Des milliards de m3
Mais l’intérêt d’Albert Frère pour le grisou n’est peut-être qu’un début. Il y a un peu plus d’un an, le gouvernement wallon avait en effet obtenu les conclusions d’une étude sur le potentiel d’exploitation des sous-sols wallons. Verdict: les anciennes exploitations minières auraient un potentiel allant de 13 à 20 milliards de m3 de gaz de houille.
Six zones intéressantes ont été relevées par l’étude entre LaLouvière et Couillet (Charleroi). Mais un beau potentiel existerait aussi entre Mons et Binche.
Quatre ans de réserve
Le gaz de houille est une énergie fossile traditionnelle. Et son exploitation ne demanderait pas une technicité extraordinaire.
Les couches de houille sont en fait fracturées hydrauliquement pour y créer une porosité. Le gaz est alors pompé, traité et envoyé directement dans le réseau. Seul bémol: son exploitation condamne celle, ultérieure et potentielle du charbon.
Et puis, certains sont dubitatifs, comme le ministre wallon de l’Environnement, Philippe Henry, plus séduit par la géothermie.
«Le grisou reste une énergie fossile. Celui qui se trouve potentiellement dans notre sous-sol ne couvrirait que 4 ans de nos besoins » estime-t-il.
Et il n’est pas le seul à être prudent quant à l’intérêt d’exploiter le gaz de houille.
Ainsi, un spécialiste de l’utilisation des gaz de l’UCL, Hervé Jeanmart met en garde:
«Il faut voir ce que cette exploitation aurait comme conséquences sur l'environnement » juge-t-il. C'est vrai qu'il vaut mieux utiliser du gaz que du charbon. Mais si l'exploitation du gaz mène à encore plus de production de gaz à effets de serre, ça sera pis que mieux pour l'environnement. Sans parler des risques de fuite de méthane dans l'atmosphère ».
Et le spécialiste d'ajouter: «Je sais que c'est le rêve des politiques d'arriver à une indépendance énergétique. Mais s'il y a une piste à suivre, c'est celui des énergies renouvelables, pas celle des énergies fossiles. »