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CO2 : 17 euros la tonne, 4 % d'émissions en moins

Dans un chat sur LeMonde.fr, Franck Jésus, chef du service observation, économie et évaluation à l'ADEME, estime que c'est l'anticipation de la hausse de la taxe carbone qui aura un effet incitatif sur les modes de consommation des énergies.

Par Laurence Caramel

Publié le 11 septembre 2009 à 12h17, modifié le 11 septembre 2009 à 12h17

Temps de Lecture 11 min.

Laurent: Excusez-moi, mais je ne suis pas certain d'avoir vraiment compris comment va "marcher" cette taxe et surtout comment elle peut m'inciter à consommer moins de CO2

En fait, la taxe carbone porte sur tous les combustibles d'origine fossile : gaz, charbon, fioul et carburants gasoil et super.Elle est proportionnelle au volume de ces gaz, en fonction des quantités de CO2 liées à leur utilisation. Quand on utilise 1 l de pétrole, on le brûle, et cela émet du CO2. La taxe sera fixe par rapport à chaque unité.

Par exemple pour 1 litre de super, ce sera 4 centimes, pour le diesel, environ 4,8 centimes. A chaque fois qu'un utilisateur utilisera un litre, il paiera cette taxe. Plus il utilise de litres, plus il paie de taxes, donc il est incité à en utiliser moins qu'auparavant. Et c'est pareil pour tous les autres combustibles fossiles.

chris: Un prix à la tonne de dioxyde de carbone rejeté aussi bas (17 euros) peut-il avoir une incidence sur les habitudes des Francais ?

Le prix à 17 euros a clairement moins d'incidence qu'un prix plus élevé. Mais on sait que ce prix va augmenter, donc c'est plus l'anticipation de cette augmentation qui va avoir un effet incitatif que le niveau initial, même si ce niveau initial aura un effet incitatif d'ores et déjà.

Si on prend un exemple, le remplacement d'une chaudière au fioul, on peut réduire le temps de retour sur investissement peut passer de 10 ans à 9 ans. Donc il y a un caractère incitatif. Si les gens anticipent une augmentation, ce caractère incitatif va augmenter.

Autre exemple : le prix du carburant va peu augmenter, mais par rapport à une augmentation du pétrole, cette augmentation sera pérenne. Et face à une augmentation qui commence bas, les gens ont une capacité immédiate de réaction pour réduire un peu leur consommation de carburant, par exemple en levant le pied pour diminuer leur vitesse, en évitant les accélérations et décélérations trop brusques et trop fréquentes, en limitant certains déplacements sur de petites distances en voiture (la moitié des déplacements se font sur des distances qui mettent 5 mn à pied).

TAZ: Est-ce que cette taxe carbone n'est pas une usine à gaz ? Les mécanismes de compensation sont complexes. Auriez-vous proposé un mécanisme plus simple et donc plus lisible et efficace ?

Je ne vais pas me prononcer sur le mécanisme de compensation qu'il aurait fallu mettre en place. Il y a souvent un discours dans les médias disant que cela ne sert à rien de mettre en place une taxe si elle est compensée par ailleurs. En fait, la taxe est proportionnelle au volume de combustible fossile qui est consommé, alors que la restitution est figée, forfaitaire.

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Quelqu'un qui consomme plus de carburant ne verra pas la restitution augmenter. Il y a donc bien une incitation qui persiste, puisque la taxe augmentera, alors que la restitution ne changera pas.

Ben-Guetta: Quid des gens qui ne pourront pas prendre de mesures pour limiter leurs émissions de CO2 ? Je pense à ceux qui se déplacent déjà en transport en commun, qui se chauffe normalement etc. Ne pensez-vous pas qu'ils ne devraient tout simplement pas être assujettis à cette taxe ?

Déjà, les gens qui consomment peu de CO2, l'impact en termes de pouvoir d'achat sur leurs revenus sera très faible ou même positif, car ils auront un impact de la taxe très faible et auront la restitution. Ils seront gagnants. Donc on a bien un système qui favorise les gens peu émetteurs de CO2 et qui pèsent plus sur les autres. La restitution sera supérieure à ce qu'ils dépensent.

Fred: Que me propose-t-on aujourd'hui comme autre solution que l'essence dans ma voiture, le fioul ou le gaz pour me chauffer... ? Tout ça c'est bien gentil, mais...

Si on différencie tout ce qui est chauffage et transport, dans les transports, les alternatives pour réduire sa consommation sont la modification de la façon de conduire, réduire sa vitesse, conduire plus souplement, réduire les déplacements sur les courtes distances. Cela à court terme.

A moyen terme, on peut aussi modifier la façon dont on se déplace : utiliser les transports en commun quand c'est possible, ou changer son véhicule pour un véhiicule moins émetteur de CO2. Il y a actuellement des primes à la casse très incitatives. Il y a d'autres options, tel le covoiturage.

Pour ce qui est du chauffage, on a des options à court terme : on peut réduire la température légèrement chez soi, faire attention de ne pas laisser les chauffages allumés inutilement. Et à moyen terme, on peut travailler sur l'isolation de son logement, ou la modification du système de chauffage en changeant de chaudière par exemple. Il y a aussi des incitations : crédit d'impôt développement durable, éco-prêt à taux zéro, et pour installer des dispositifs d'énergie solaire, il y a un tarif de rachat pour ceux qui produiraient de l'électricité.

an heni bras: Ne vaudrait-il pas mieux également augmenter largement les aides aux investissements économisant l'énergie ?

C'est difficile de répondre. Le niveau des aides est une décision du gouvernement. Plus le niveau est élevé, plus les gens en profitent, mais cela fait des dépenses publiques.

pauld: La taxe carbone ne marque -t-elle pas la fin du chauffage gaz ou au fuel au détriment du 100 % chauffage électrique qui est une abberration écologique? La taxe carbone est-elle destinée à justifier les futurs EPR?

L'électricité en Europe et en France en particulier est soumise à une contrainte sur les émissions de CO2 à travers le système européen de quotas. Ce système limite dès aujourd'hui les émissions de CO2 de la production électrique et prévoit que l'ensemble des émissions des secteurs soumis à quotas soit réduit d'au moins 21 % d'ici à 2020. Donc les émissions de CO2 liées à l'électricité subissent une contrainte carbone.

Ensuite, la question est que cette contrainte carbone ne se retrouve pas systématiquement dans la facture du consommateur parce que les tarifs sont réglementés en France. Donc la question est plus de savoir si l'on veut modifier les tarifs réglementés que de savoir s'il faut élargir la taxe carbone à l'électricité, car on aurait alors deux contraintes sur l'électricité : une au niveau du consommateur, une au niveau du producteur, ce qui ferait double emploi.

TAZ: Pour avoir un réel impact, une telle taxe aurait dû être décidée au niveau de l'Union européenne, non ? Est-ce que cela a un sens de faire cavalier seul ? D'autres pays de l'UE vont-ils suivre l'exemple de la France ?

Sur cette question, déjà, la France n'est pas la seule à mettre en place la taxe carbone. Cinq autres pays en Europe l'ont fait : le Danemark, la Suède, la Finlande, la Grande-Bretagne et la Slovénie. L'Allemagne l'envisage à partir de 2012. Ensuite, tous les pays de l'UE ont pris des engagements à l'horizon 2020 pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, y compris les émissions des ménages et du transport.

A l'heure actuelle, chaque pays est libre de faire comme il le souhaite pour parvenir à cette réduction. La France a choisi d'utiliser l'instrument taxe carbone, qui a l'avantage de permettre en une seule fois de donner un signal sur toutes les émissions de CO2 sur l'ensemble de l'économie. Et de ce fait, c'est un instrument qui, d'un point de vue de l'action publique, a une certaine efficacité. Mais le fait que d'autres pays n'aient pas encore mis en place de taxe carbone ne signifie pas qu'ils n'ont pas une contrainte qu'ils doivent respecter.

Copenhague: Le Président évoque aussi la création d'une taxe carbone aux frontières en complément de la taxe domestique. Quelle est la différence par rapport au mécanisme d'inclusion carbone dont on parle ces dernières années ? Comment cette proposition s'inscrit dans la préparation de la conférence de Copenhague ?

Comme on le disait, les émissions de CO2 en France sont soumises à partir de 2010 à deux instruments différents : pour les industriels gros émetteurs, les quotas de CO2, et pour le reste, la taxe carbone, l'ensemble de ces deux instruments couvrant toutes les émissions de CO2 françaises.Pour ce qui est de la taxe carbone, le sujet de la compétitivité est un peu le même, avec une échelle probablement moindre.

Dans les deux cas, pour les entreprises qui utilisent beaucoup de combustible fossile, cela va augmenter leurs coûts, et si elles se trouvent en concurrence avec des partenaires étrangers qui ne subissent pas de contrainte sur le CO2, elles peuvent se trouver dans une situation plus dévorable du fait du coût lié à la contrainte CO2.

Face à ce problème, il semble justifié, en tout cas d'un point de vue économique, de rétablir une certaine égalité vis-à-vis de produits venant de pays qui n'ont pas de contrainte sur le CO2. Quand on a un produit en France qui subit une taxe carbone, on peut facilement faire subir à un produit similaire venant de l'étranger une taxe équivalente.

Quand on a des quotas de CO2, les règles de l'OMC font qu'il serait préférable de mettre une contrainte avec des quotas CO2 pour les importations en question, de façon que l'instrument soit le même pour la production européenne et pour la production hors Europe. C'est un sujet similaire dans les deux cas, mais avec des modalités qui peuvent être différentes.

A chaque fois, c'est un sujet qui est au-delà des décisions nationales, puisque les décisions sur les instruments aux frontières sont des décisions européennes, et de plus, comme vous le dites, ce sont des éléments qui vont jouer dans le débat à Copenhague, car il est clair qu'avec la volonté de la France et d'autres pays de mettre en place ce type d'instrument, on cherche à inciter les pays qui ne souhaitent pas encore prendre de contrainte sur leurs émissions à en prendre pour éviter d'avoir à subir ces instruments aux frontières.

FF007: comment l'Ademe va-t-elle sensibiliser les particuliers sur leur consommation d'énergie? comment va -t-on être incité à améliorer notre habitat ?

L'Ademe fait régulièrement des campagnes de sensibilisation, a mis en place tout un réseau dans toutes les régions, départements et beaucoup de communes et de villes d'espace info-énergie :des gens sont à disposition du public pour répondre à ses questions à la fois sur les options qu'il a pour réduire ses dépenses de chauffage et sur les aides dont il peut bénéficier à travers les instruments mis en place par l'Etat, les collectivités locales, ou parfois l'Ademe. Les coordonnées des espace Info-énergie sont disponibles sur le site de l'Ademe.

A moyen-long terme, l'Ademe appuie des actions d'innovations techniques ou technologiques dans les entreprises pour que le développement de technologies permettant de limiter les émissions de gaz à effet de serre se fasse plus rapidement.

Sasha: Est-on en mesure d'evaluer l'impact de la taxe carbone sur nos emissions de CO2 ?

Il y a un instrument qui est développé par l'Ademe, le bilan carbone personnel, où chacun peut essayer de simuler, en fonction de ses comportements et de ses choix, quel peut être son impact en quantité de gaz à effet de serre. C'est un instrument disponible sur le site de l'Ademe. Il y a un instrument très simple qui fait une évaluation globale en fonction des déplacements, des modes de consommation, du type de chauffage ou d'isolation. Et un instrument plus détaillé, qui tient compte des factures, etc.

laura: la question de sasha portait sur l' évaluation de taxe carbone pas sur la façon dont on peut mesurer nos émissions, vous n' avez pas répondu.

En général, on essaie d'estimer la réactivité du consommateur par rapport à une augmentation de prix. C'est l'élasticité prix de la demande. Et quand on regarde les différentes élasticités estimées pour tous les combustibles fossiles concernés par la taxe carbone, avec les simulations qu'on a faites au niveau de l'Ademe, on l'estime à une baisse potentielle de 4 % pour une taxe à 17 euros par tonne de CO2.

perrine et le pot au lait: quel devrait être le niveau maximum de nos émissions de gaz à effet de serre pour limiter le réchauffement climatique à 2 °?

Pour limiter le réchauffement climatique à 2° C, il faudrait que l'ensemble des pays de la planète divisent au moins par deux leurs émissions à l'horizon 2050 par rapport à 1990. C'est un minimum. Pour ce faire, il est clair qu'on ne peut pas demander le même effort aux pays développés qu'aux pays en développement.

Le partage proposé à ce jour, c'est que les pays développés divisent a minima par quatre leurs émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990 d'ici à 2050. Cela veut dire qu'on doit arriver à diviser les émissions de la France par quatre d'ici à 2050, et dans un horizon intermédiaire de 2020, un objectif entre - 25 et - 40 % par rapport à 1990.

raf: Justement... Ou en sommes nous actuellement au niveau des emissions par rapport à 1990 ? quels progrès a-t-on fait?

La France s'était engagée à maintenir ses émissions au niveau de 1990 pour la période 2008-2012. C'est le premier engagement du protocole de Kyoto. Dans ce cadre, l'Europe s'était engagée à une réduction de 8 % globalement. Quand on regarde où l'on en est aujourd'hui, on s'aperçoit que la France a réussi à diminuer ses émissions d'environ 4 % par rapport à 1990. Nous avons donc dépassé notre objectif.

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