EDF : le parc nucléaire n’a jamais aussi mal fonctionné

RTE, le gestionnaire du réseau électrique, a présenté ce jeudi matin une révision de ses prévisions sur la sécurité d’approvisionnement durant l’hiver. La mise à l’arrêt en novembre et décembre de réacteurs fait craindre des coupures dans les prochaines semaines.

L’annonce de la mise à l’arrêt d’un troisième, puis d’un quatrième réacteur nucléaire, à Civaux (Vienne) puis Chooz (Meuse), a bousculé les prévisions concernant la sécurité d’approvisionnement pour cet hiver. AFP/François Lo Presti
L’annonce de la mise à l’arrêt d’un troisième, puis d’un quatrième réacteur nucléaire, à Civaux (Vienne) puis Chooz (Meuse), a bousculé les prévisions concernant la sécurité d’approvisionnement pour cet hiver. AFP/François Lo Presti

    Une météo clémente. C’est le pari que fait RTE pour espérer un mois de janvier sans casse. L’arrêt en décembre d’un troisième, puis d’un quatrième réacteur nucléaire, à Civaux (Vienne) puis Chooz (Meuse), a largement bousculé les prévisions concernant la sécurité d’approvisionnement pour cet hiver. Ce jeudi matin, le gestionnaire du réseau électrique a présenté une réévaluation de ses prévisions. Avec un constat accablant : jamais le parc nucléaire français n’a aussi mal fonctionné. « Jusqu’à 17 réacteurs (NDLR : sur un total de 56) se sont retrouvés simultanément à l’arrêt au cours de ces dernières semaines, observe Thomas Veyrenc, directeur exécutif de RTE, en charge de la prospective et de l’évaluation. C’est à la fois structurel, avec une maintenance accrue du fait du Grand carénage (NDLR : le grand programme de rénovation des centrales), mais également conjoncturel, lié à la pandémie qui bouleverse le calendrier, au moins jusqu’en 2023. » Résultat : la puissance disponible ne dépassera pas les 50 gigawatts (GW) en janvier. Soit la pire performance de toute l’histoire du parc nucléaire français, note RTE. Avec de lourdes conséquences sur la sécurité d’approvisionnement donc, mais également les prix de l’électricité, déjà en forte hausse depuis plusieurs semaines.

    « La France se retrouve en effet obligée d’importer bien plus d’électricité que d’habitude, reprend Thomas Veyrenc, alors qu’elle est traditionnellement exportatrice en cette période. Avec des volumes très importants, proches des capacités maximales. » A nos frontières, nos interconnexions, qui relient notre système électrique à ceux de nos voisins, sont en effet limitées en termes de volumes d’électricité que l’on peut échanger. Un peu comme pour un tuyau d’eau. « Les 21 et 22 décembre derniers par exemple, nous avons eu recours à 13 GW d’importations, précise-t-il. Ce qui constitue pratiquement nos capacités techniques maximales. » « En janvier, la situation se compliquera encore un peu plus, anticipe Jean-Paul Roubin, son collègue en charge de l’exploitation. Car ces mêmes pays voisins doivent également subvenir à leurs propres besoins et ils ne pourront pas nous fournir plus de 8 GW. D’où notre vigilance renforcée. »

    Des coupures locales ne sont pas exclues

    RTE se demande donc si la saison la plus critique pour assurer l’équilibre entre la production d’électricité et sa consommation pourra se dérouler sans coupures. Comme chaque année, mais peut-être plus cette fois-ci. « Ces éléments nous conduisent à réhausser notre niveau de vigilance pour le mois de janvier, ce qui signifie exploiter le réseau en situation dégradée, reprend Jean-Paul Roubin. Même si pour la première quinzaine les conditions météo semblent plutôt favorables. »

    Si les températures devaient néanmoins descendre de plusieurs degrés en dessous des normales saisonnières, ou si les éoliennes européennes ne disposaient pas d’assez de vent, RTE envisagera le recours à trois leviers principaux. Le premier : les écogestes. Une application permet de prévenir les consommateurs et leur demander de reporter certains de leurs usages (utilisation de la machine à laver ou du lave-vaisselle, diminution du chauffage etc.). « Si cela ne suffit pas, il est également possible de demander à une dizaine de grands industriels de la sidérurgie ou de la chimie, sous contrat, d’interrompre leur production », explique encore Jean-Paul Roubin. Un autre levier consiste à baisser la tension de 5 % sur le réseau. De quoi récupérer momentanément 3 % de consommation.

    Enfin, si cette série de mesures n’était pas suffisante, il existe un quatrième et dernier recours : le délestage. « Nous procédons alors à des coupures locales, parfois tournantes, alerte Jean-Paul Roubin. Cela peut concerner tous les particuliers ou les entreprises, à l’exception de sites stratégiques comme les hôpitaux par exemple, et pour une durée maximale de deux heures par coupure et par zone. » EDF assure mettre tout en œuvre afin que la disponibilité de ses réacteurs soit la meilleure possible. « 41 réacteurs sont actuellement connectés au réseau et produisent de l’électricité en toute sûreté, affirme la direction du groupe. Deux réacteurs sont disponibles mais non connectés au réseau, pour des questions d’optimisation de la gestion du combustible. Au 10 janvier, nous devrions avoir environ 10 réacteurs à l’arrêt. » Ce qui n’exclue donc pas la mise en place des mécanismes d’ajustement prévus par RTE.