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1956: Yverdon roule en «Gyro»

Facilement repérable à sa couleur rouge, voulue par le syndic socialiste Léon Jaquier, un Gyrobus circule rue de la Plaine, dans l'Yverdon du début des années 1950.?

Un nouveau mode de transport urbain révolutionnaire foule le bitume yverdonnois. Sorte d'hybride entre le trolley et le bus, le Gyrobus fait sensation lorsqu'il débarque en novembre 1950 pour des courses d'essai, quatre mois après sa première sortie à Altdorf. Issu des Ateliers d'Oerlikon, dans la banlieue zurichoise, ce prototype roule à l'électricité, mais sans ligne de contact: le véhicule avance grâce à l'énergie cinétique accumulée dans un volant propulsé à 3000 tours par minute et rechargé lors des arrêts, offrant une autonomie de 6 km environ. «Les gosses courent dans la rue, et toutes les heures leurs cris retentissent: «le voilà, le voilà», relate alors la Gazette de Lausanne. Les passants, sur l'avenue des Bains, s'arrêtent, les commerçants s'avancent sur le pas-de-porte de leurs magasins, tout le monde regarde. Le Gyrobus, tel est son nom, a fait son entrée en terre vaudoise.»

Avec ce projet novateur, qui attire des curieux du monde entier, les autorités cherchent en fait à rattraper le retard: Yverdon est l'une des dernières villes romandes à s'équiper en transports publics. Etudes à l'appui, ce tout nouveau Gyrobus emporte la mise dans une cité de 12'000 habitants où la faible densité du trafic ne permet pas d'envisager un réseau de tramways ou de trolleybus. Ses avantages? Il est libre de son itinéraire, silencieux, sans odeur et recourt à l'électricité indigène plutôt qu'au pétrole. Après les privations de la Seconde Guerre mondiale, l'argument est de poids.

Des débuts enthousiastes

En octobre 1953, les Yverdonnois inaugurent donc avec enthousiasme le service régulier de leur «Gyro» sur une ligne unique nord-sud, entre Les Condémines et les Tuileries-de-Grandson, qui ne passe pas par la gare. Les deux véhicules sont rouges, bien sûr. Pas question pour le syndic socialiste Léon Jaquier de s'accommoder du bleu adopté par de nombreux transports urbains. «J'y étais, se souvient l'ancien chef d'atelier Albert Vesin. Il a tapé sur la table et a dit que ce serait rouge!» Les horaires des cinquante courses quotidiennes, eux, sont plus souples; ils s'adaptent à la sortie des usines et des cinémas. «On attendait la fin des séances au Rex et au Bel-Air.»

Mais, trois ans plus tard, l'optimisme des débuts en a déjà pris un coup, plombé par des problèmes de rentabilité. En 1956, la société d'exploitation, désormais présidée par le syndic radical André Martin, cherche – sans succès – à revendre ces engins de trente-cinq places au profit de minibus. La curiosité initiale est retombée, et les Gyrobus ne transportent pas la moitié des voyageurs dont ils auraient besoin pour «tourner». Les causes du désamour? Un itinéraire contesté, le fait de ne pas desservir la gare ou la concurrence du vélo.

Ajoutons-y le temps d'attente aux arrêts pour recharger le volant; un système de suspension un peu défaillant; le risque de se trouver à cours d'énergie entre les stations, quand la circulation est dense; et des soucis d'entretien de ces machines complexes qui devaient régulièrement faire le voyage jusqu'à Oerlikon. Le mécanicien Albert Vesin se voit encore au volant de sa Vespa pour dépanner les Gyrobus. «L'hiver 1956 a été très froid, les conduites givraient, ce qui empêchait les contacteurs de se mettre en marche.» La ville congolaise de Kinshasa, qui vient d'acquérir l'invention suisse, a d'autres soucis: l'état de ses pistes a vite raison du Gyrobus. Troisième et dernière à tenter l'expérience, la cité de Gand, en Belgique, tire la prise après trois ans. Du côté d'Yverdon, l'aventure s'achève en 1960, après une votation populaire qui réoriente la société de transport, dont le déficit se creuse. Après avoir transporté 1,9 million de voyageurs, les «Gyro» sont remplacés par trois petits véhicules à essence. Une autre époque. «Après, on a eu une période difficile avec ces minibus, raconte l'ex-chauffeur René Chaillet. On passait notre journée à s'éreinter avec les vitesses.»