Méthanisation : les plantes cultivées sources de biogaz

« Je suis un procédé biologique naturel qui permet de valoriser des matières organiques… Qui suis-je ? » La méthanisation ! Elle s’inscrit dans la démarche actuelle de valorisation de ressources énergétiques autres que les carburants fossiles et s’appuie sur le dicton… « Tout est bon dans le cochon » ! En effet, la méthanisation est un processus qui permet, à partir de presque n’importe quelle matière organique, d’obtenir du biogaz (du méthane à 55-60 % et du dioxyde de carbone à 35-40 %), une énergie renouvelable, et un fertilisant, le digestat. Pour cela, la matière organique doit être digérée 40 à 60 jours par différentes bactéries, dans une cuve brassée, et privée d’oxygène et de lumière. Le méthane obtenu peut ensuite servir de combustible carburant pour produire de l’électricité et de la chaleur. Ainsi, plus il y a de méthane dans le biogaz, plus il y aura d’énergie. Rappelons que 1m3 de méthane représente presque 10 kWh électrique (soit environ dix cycles d’une machine à laver de classe A de 5 kg avec une étiquette).

La place centrale des matières végétales

De très nombreuses matières premières peuvent être incorporées dans ce mélange bulleux. Parmi elles, des effluents d’élevage, certains déchets d’industries agroalimentaires (IAA) et de collectivités (lactosérum, graisses d’abattoir, déchets de cuisine collective, boues de stations d’épuration urbaines, etc.), mais surtout, des matières végétales telles que les pulpes et les fanes de betteraves ou de pommes de terre, les drêches d'orges de brasserie, les déchets verts issus par exemple de la tonte des pelouses, les ensilages de maïs pâteux, les résidus de séchage de maïs, les résidus de légumes, de fruits ou de thé, le marc de raisin, les résidus de cultures, de silos ou de cultures intermédiaires ou les ensilages de céréales… ouf ! Dans le cas d’une installation de 170 kWe, on pourra donc placer dans la cuve 9 % d’issues de céréales et 16 % de déchets de fruits (pour 71 % de lisier et 4 % de graisses). Soit moins de 20 % de produits végétaux qui seront à l’origine de plus de 50 % de l’énergie produite ! « Le choix des matières organiques est fondamental, explique l’Ademe, car il détermine la production de biogaz, le dimensionnement des équipements techniques et la rentabilité du site ». Ainsi, pour obtenir le meilleur potentiel méthanogène dans un mélange, il faut y inclure des substrats ayant les caractéristiques suivantes : une teneur en matière organique élevée (plus le taux de matière organique est élevé, plus le volume de biogaz produit sera important) et une matière organique riche en graisses (les graisses sont plus méthanogènes que les protéines ou les hydrates de carbone).

De hauts potentiels méthanogènes pour les matières végétales

Chaque substrat présente donc des qualités et des contraintes. « Les matières végétales telles que les résidus de récolte, les déchets de silos et de céréales, les déchets de fruits et légumes, ont souvent de hauts potentiels méthanogènes et sont facilement assimilables par les bactéries », précise l’Ademe. De leur côté, les déjections animales ont un potentiel méthanogène relativement faible, mais apportent des bactéries fraîches et stabilisent le mélange. Coopénergie souligne ainsi que les issues de silos possèdent l’un des pouvoirs méthanogènes les plus élevés : « Comme leur taux d’humidité est trop faible pour être méthanisées seules, elles sont incorporées à une base plus liquide, en volumes importants, du type lisiers ou déchets des IAA (qui eux n’ont pas toujours un pouvoir méthanogène satisfaisant). De plus en plus de projets de méthanisation prennent en compte cette ressource. »

Des performances différentes selon les espèces et variétés

Pour valoriser la biomasse par fermentation anaérobie, certaines espèces s’avèrent plus performantes que d’autres. En témoignent ces données allemandes : en 2007, 240.000 ha de maïs ont été absorbés par la filière biogaz. L’ensilage de maïs est la matière première la plus utilisée dans de nombreuses installations. Pourquoi un tel engouement ? Car le maïs dispose d’un très bon rendement énergétique. En effet, un hectare de maïs ensilé produit l’équivalent de 20.000 à 25.000 kWh contre 10.000 à 15.000 kWh pour l’ensilage d’herbe et 12.000 à 15.000 kWh pour les céréales. Plus finement, à l’intérieur de la famille « maïs », certaines variétés sont plus performantes dans une optique de production de biogaz. Elles regroupent en général les caractéristiques suivantes : un fort développement végétatif (maximiser le rendement de matière sèche par ha), un taux de matière sèche de 30 % à la récolte, une bonne résistance à la verse, un stay-green très marqué (limite la part des tissus lignifiés « non méthanisables ») et un excellent état sanitaire (pour éviter d’incorporer massivement des plantes colonisées par des champignons pouvant perturber la flore bactérienne des digesteurs) note [1].

Betterave fourragère et sorgho, les cultures du futur ?

En parallèle, d’autres cultures annuelles s’avèrent intéressantes pour la méthanisation. C’est le cas de la betterave fourragère, la culture annuelle la plus productive concernant la quantité de biogaz produite par hectare après le maïs. De son côté, le sorgho grain sucrier peut atteindre jusqu’à 20 tonnes de matière sèche/ha, une production massive de biomasse. Certaines variétés de sorgho sucrier sont actuellement développées pour produire de l’ensilage à la ferme. Leur tige est riche en sucre et contient peu de lignine, ce qui le rend sensible à la verse mais facilite sa digestibilité. Selon Jean-Luc Verdier, animateur filière sorgho chez Arvalis, « ces variétés peuvent produire de l’ensilage, mais aussi de l’énergie par méthanisation ou production de biocarburant de seconde génération ». « C’est une plante peu gourmande en eau et en intrants qui est particulièrement recherchée par les pays d’Europe du nord qui l’utilisent pour approvisionner les usines de méthanisation », explique de son côté Emmanuel Boy, directeur général de groupe Sud Céréales note [2]. « Leur lignification est différente, ce qui améliore leur digestibilité et permet des valeurs énergétiques comparables à celle du maïs ensilage. Cette caractéristique est liée à la présence du gène BMR (Brown mid rid = nervure brune centrale) qui a néanmoins l’inconvénient de rendre les plantes sensibles à la verse, avec des conséquences de difficultés de récolte », analyse Arvalis note [3]. A l’heure actuelle, certains semenciers mènent également des essais sur le tournesol, le triticale et le seigle, afin d’améliorer leur potentiel de biomasse et d’accroître leur développement végétatif. Sources : [1] semences.fr/ target=_blank>Caussade Semences [2] Terre-net [3] Arvalis
Les arguments environnementaux
  • diminution des gaz à effet de serre
  • réduction importante des odeurs lors du stockage des effluents et lors de  l'épandage
  • la reconquête des plans d'épandage
Les arguments agronomiques
  • amélioration de la valeur fertilisante des effluents
  • conservation de la valeur en minéraux du digestat
  • désactivation des graines d'adventices présentes dans le digestat
Les installations de méthanisation sont de plus en plus conseillées aux agriculteurs. Leurs intérêts : apporter un revenu complémentaire sur l’exploitation agricole et diversifier les activités de l’agriculteur. Exploiter les déchets organiques permet aussi de traiter des coproduits extérieurs à valeur négative, c’est-à-dire de valoriser des déchets pour les rendre rentables, et d'utiliser des cultures énergétiques produites sur l'exploitation, ce qui permet à l'agriculteur de récupérer la marge brute de sa culture, ainsi que la valeur ajoutée issue de sa transformation. Autre aspect à considérer : l’utilisation de cultures intermédiaires ensilées présente l’avantage de ne pas concurrencer les cultures destinées à l’alimentation animale ou humaine, tandis que les résidus et déchets des IAA ne sont intéressants que lorsqu’ils sont collectés dans un rayon d’une quarantaine de kilomètres. Concrètement, en 2011, avec plus d’une quarantaine d’unités en service, la méthanisation à la ferme représentait une puissance électrique installée de 5,2 MWe. Un chiffre qui grimpe à 170 MWe toutes filières confondues à l’échelle de la France.
LG
MD
SM